samedi 13 février 2016

David Bowie Tribute.


Un jour dans une vie de fan.


chez David, "as a rock'n'roll star".
          La première découverte d'un album de Bowie se fait chez David.

          Ce dernier me dit qu'il va me faire écouter un nouveau truc offert par l'une de ses deux soeurs aînées. Je suis partant. Avec David, je découvre un tas de choses, pas uniquement en musique. C'est un passeur. Je recherche la compagnie de ce type de personnes depuis toujours. David m'explique, en me tendant la pochette du 33 tours, que c'est du bizarre, du jamais entendu avant, par nous dans tous les cas. Banco ! David pose la pointe du saphir sur le vinyle ; je tiens soigneusement, respectueusement l'objet entre les mains. 

          Le visuel : le dessin assez réaliste d'un gars habillé en clown blanc, les cheveux savamment en bataille. L'expression du visage est intense, angoissée peut-être ? Un détail : le clown a les yeux de couleurs différentes. Ce qui est aussi étrange, c'est que le dessin recouvre une photo en noir et blanc, de la même personne (je suppose), dont on ne voit pas le visage. 


tenant la pochette de Scary Monsters... And Super Creeps.
         Le son : au début, c'est comme des bruits de toilettes. Là-dessus, une voix masculine égrène un  décompte. Puis, une guitare dissonante et une batterie métallique  accompagnent une femme qui parle dans une langue inconnue. Enfin, un gars se met à chanter avec une voix déchirante, comme excédé, exténué.






single U.S.A. (1980)

timbre inclus dans le single
Ashes To Ashes (1980)









         

          


          Après, je ne me rappelle plus tous les détails mais à la fin de la première écoute de l'album Scary Monsters… and Super Creeps (1980) de ce David Bowie, je me dis que c'est, effectivement, la chose la plus étrange jamais entendue. Une chose que je ne cerne pas dans sa totalité. 

          Franchement, on ne peut pas dire que c'est l'engouement instantané. Il va falloir ré-écouter, de peur de passer à côté de quelque chose d'essentiel. Pour finir de m'en convaincre, je me dis que si mon pote l'écoute, je dois être dans le coup ! Décision sous influence, certes, mais sage décision !

          David me propose, quelque temps plus tard, de participer au journal de B.D. qu'il veut créer pour le faire circuler à l'école. Je dis "ok" mais il y a un hic : je ne sais pas dessiner. Il me rétorque, texto : "on s'en fout !". Il ne me convainc pas d'emblée mais, bon, je n'ai rien à perdre.

          Pendant qu'on écrit et qu'on dessine, on écoute de la musique. Kraftwerk, Queen, The Police, Yves Simon, Wings.

          Bauhaus, Brian Eno, Eurythmics, Iggy Pop, Lou Reed, Talking Heads viennent un poil après.

          Bowie est le chouchou. On explore sa discographie à travers les albums mais aussi en écoutant deux compilations, les fameuses ChangesOneBowie (1976) et ChangesTwoBowie (1981). Pendant quelques temps, je ne connais que certains morceaux via ces compiles. Je ne fais la découverte de leurs places respectives, dans les albums originaux, que plus tard.

                    
          Avec David, faute de moyens, on essaie d'être plus ou moins complémentaires. On n'achète pas les mêmes titres et on s'enregistre des cassettes audio. Par exemple : à ce moment-là, deux "lives" officiels sont disponibles. David achète David Live (1974) et, moi, Stage (1978).

 David dans ma chambre.
dans la même pièce.














          Un nouvel album sort, Let's Dance (1983). Je suis à fond. Bowie est partout : dans le jukebox, à la maison, dans les magasines, à la radio, à la télé ! C'est son premier grand succès international, on utilise pas encore le mot "mainstream".

          En fin d'année scolaire, le prof de français (le gars lit Rock'N'Folk qu'il cache dans son grand carnet de notes, son frère est "clavier" pour Alain Bashung) nous autorise à amener une radio. On écoute la musique tous ensemble. Les copains de classe savent que je suis à fond de Bowie. Ils se moquent gentiment de moi quand je bouge les lèvres, marmonnant, en yaourt, les paroles de Let's Dance. Je m'en fiche, je fais semblant de ne pas les remarquer.

 
 
Deux films sont à l'affiche cette année : Furyo (Merry Christmas Mr Lawrence) de Nagisa Oshima et Les Prédateurs (The Hunger) de Tony Scott. J'en absorbe chaque photogramme. Je découvre au passage Takeshi Kitano, Ryuichi Sakamoto et David Sylvian.

     
           
          Dès lors, il y a des photos de David qui recouvrent une grande partie de la tapisserie 70's. Du portrait "grandeur nature" à la photo de la taille d'un timbre-poste, c'est comme des miroirs déformants qui reflètent le portrait de celui que je veux être et que je ne serai jamais. 

Dom, un copain, moi et Bowie, Bowie, Bowie, Bowie...


          Un peu plus tard, les photos ne sont plus au mur (changement de logement) mais dans des classeurs, rangées année par année. Il n'y a qu'un cadre ou deux au mur que côtoient des sérigraphies de bandes-dessinées (Moebius, Serge Clerc). 


          Je me mets rapidement à jour, achetant tous les albums parus jusqu'alors. Les disques s'écoutent en boucle au point d'en connaitre chaque passage musical et chaque parole par coeur. A l'aide du disco d'anglais, je passe des heures à traduire les paroles. C'est une des rares matières que je travaille à l'école.

          J'étudie chaque photo, j'assimile chaque pose, je maîtrise chaque chorégraphie. Je passe de longues minutes à faire des "imitations" de Bowie en play-back dans la chambre. Je m'imprègne du personnage artistique, je suis en représentation semi-permanente.

"We know Major Tom's a junkie".

          Au collège puis au lycée, nul ne peut ignorer mon amour inconditionnel pour Bowie.

          Dans les discussions sur la musique, même si j'apprécie beaucoup d'autres groupes, c'est forcément Bowie le meilleur. Je n'hésite pas à faire du prosélytisme. Je prêche la bonne parole à ceux qui n'ont parfois pas envie de l'entendre. Je vante pendant des heures l'éclectisme musical et artistique, la faculté à créer des avatars. la beauté physique de David. Je passe de long moments à narrer les aventures de ses personnages dont la vie imaginaire dépasse pour moi le cadre d'un album et/ou d'une tournée : Major Tom, Ziggy Stardust, Aladdin Sane, Halloween Jack, The Thin White Duke. Dans le tas, je fais tout de même de nouveaux convertis.

époque Major Tom (69) / Ziggy Stardust (72/73)
        
           Je me rappelle qu'un copain de classe, intrigué par cet artiste dont je parle sans cesse, me demande : "tu peux me dire qui c'est ce Ziggy ? Il fait quoi, ce gars ?". Ma réponse prend au moins une heure. Je n'hésite pas à rebondir sur toutes nouvelles questions que me pose mon pote, intrigué et passionné par ce que je lui raconte. Je transmets un savoir filtré par le tamis de ma propre interprétation. Une sorte d'évangile selon Bowie dont je me fais volontiers l'apôtre. Ce n'est que bien plus tard que tout cela devient un mythe.

époque Halloween Jack (74) / The Thin White Duke (76)

          Très passionné, je contracte le virus de la "collectionnite quasi aigüe" rapidement.

Starman (Japon, 1972)
           

La toute première fois que je vais au marché aux puces, chance du débutant (?), il y a un gars qui vend des 45 tours dont deux de Bowie : un single japonais (Starman), un australien ("Heroes"). J'y trouve aussi des cassettes audios pirates. C'est le début de ma collection. 

"Heroes" (Australie, 1978)


k7 bootleg (?)













          Je commence à "engranger" sérieusement. Les albums originaux et compilations (je n'ai pas la "Drag Cover" !), les 45 tours (déclinaison de pochettes selon les éditions de différents pays),
  



Allemagne, France, Espagne, Hollande, Japon (1977).

 les maxis, les multiples éditions CDs (Emi/Virgin, RCA, Ryko…), les disques promotionnels, les concerts pirates (bootlegs).




les prix sont en franc.
 

 
















          Pendant longtemps, ma bible est le livre du collectionneur/marchand, Robert Bruna. Son David Bowie, a collector discography 1964-1982 répertorie tout ce qui existe en vinyle sur Bowie (en fait, c'est loin d'être le cas, internet le rend désormais obsolète). Pourtant, durant un long moment, ce livre est un outil bien pratique car il me permet d'établir ma liste de recherche.




Ensuite, il y a la vidéo : les vhs du commerce ou pirates (vendues, à prix d'or, "au programme" et par correspondance par un certain JML), les laserdiscs, les dvds et autres formats moins courants.







Puis, tout le reste, comme les calendriers, les cartes postales, les magazines, les photos, les posters et... les badges. Entre mon copain David et moi, c'est le concours de celui qui porte le plus beau badge, de Bowie, bien sûr.
 


David and I, les rois du badge.


Il y a aussi les cartes téléphoniques, les publicités pour les magasins (affiches, découpes en carton). Je n'apprécie pas les objets trop gadgets donc très peu de choses types briquets, cendriers, mugs, etc… Il y a des limites au bon goût 





A un moment donné, je possède quelques grosses pièces telles que le pressage anglais de David Bowie (1969), le 45 tours angolais de Starman (1972), le 45 tours français de Station To Station (1976). J'ai également quelques 45 tours sympas comme Space Oddity (1969) décliné en pressage belge, français et hollandais.


Belgique, France, Hollande (1969).
 
          L'intérêt d'une collection est de la partager quand c'est possible. Je saisis l'occasion de le faire lors de la sortie de Hours… (1999). Je travaille dans un magasin (spécialiste, alors, du disque). Je leur propose de réaliser une mini expo concernant Bowie dans l'une des vitrines disposées à l'entrée du magasin. Elle y reste quelques semaines. Je surprends les gens à découvrir des vinyles à l'ère du tout cd pour le consommateur de base.

détail de l'expo Bowie.

 
          Certains disques ne font plus partie de ma collection suite à des problèmes financiers. Je n'ai plus le David Bowie (1969). C'est le seul lp (long player) dont je regrette la vente, pour plusieurs raisons. D'une part, c'est un très beau disque (son et vision). Ensuite, lors de son acquisition, je le paie un peu de moins de 1000 francs (presque 150 euros) ; désormais, il se monnaie plus de 2500 euros dans un état comparable (très bel état) ! Le 45 tours angolais n'est plus à la maison non plus. L'acheteur s'appelle Duncan Jones résidant à New-York. A titre informatif, le fils de Bowie se nomme Duncan Jones et Bowie vit déjà à New-York à cette époque : coïncidence ?...


Marseille 1978

Les allées et venues dans les magasins de disques et d'affiches sont propices aux rencontres. Je fais notamment la connaissance de Philippe et Geneviève, sa mère. Ils tiennent en famille une boutique d'affiches et de cartes postales (art, cinéma, musique). L'endroit s'appelle Evasion : simple et efficace. Je sympathise rapidement avec Philippe qui est un passionné de musique et de Bowie, au passage. Plus âgé que moi, il voit la tournée Isolar 2 (Low and "Heroes" tour) à Marseille.




          C'est dans ce genre de boutiques que je rencontre des jeunes femmes qui font partie de ma vie : Nedjma et Raffi. Elles sont toutes les deux fans de Bowie.




Nedjma fait son pèlerinage à
Heddon Street, Londres.







          Des liens intimes se tissent. Je n'entre pas dans les détails. Une bonne illustration est dans certains passages de Horns (2013) d'Alexandre Aja. Les deux personnages principaux, un couple, sont fans de Bowie.

Raffi dans sa chambre d'ado.
Raffi dans l'un de nos "chez nous".













          

          Les "rencontres" avec la Star :

          Je manque le Serious Moonlight Tour car mes parents ne sont pas enclins à me laisser aller dans un lieu de perdition tel qu'un concert de rock ! On invoque une histoire d'argent, également.

          La première fois que je vois Bowie sur scène, c'est durant le Glass Spider Tour, l'année de mes vingt ans. Un des plus beau jour de ma vie… de fan !
          
          "L'araignée de verre" géante brille dangereusement dans la nuit. Filles et garçons aux costumes déjantés dansent sur des chorégraphies post-apocalyptiques. Carlos Alomar et Peter Frampton se déchainent aux guitares. Bowie en costume rouge mesure vingt centimètres de là où je suis. Une marionnette de chair et de sang dans un décor de poupées perverties.
 

A coté de moi, un mec un poil plus âgé que moi me dit "moi, j'ai vu Bowie sur la tournée précédente". Je lui répond "et bien moi j'ai vu un concert de Ziggy à Londres sur les épaules de mon père !'. Plausible, vu mon âge, mais pure mythomanie. On a tous les droits quand on est jaloux ?!


          Le concert d'après, j'y vais avec Nedjma. Cette dernière a un malaise dû à la foule au début du concert. Je "l'évacue" rapidement sur le côté : plus de peur que de mal !

          C'est au Paris Bercy, salle que je n'apprécie pas. Le son n'est pas fabuleux. La tournée Sound + Vision n'est pas exceptionnelle non plus. En pleine aventure Tin Machine, Bowie est contraint à ce tour. Il promeut la nouvelle édition de sa discographie (en cd et vinyle chez Emi et Ryko).




           Ensuite, il y a LE concert de Lyon. Raffi et moi sommes en compagnie de plusieurs fans : Maryse, sa mère, Mathieu et Patrick.

          Mathieu est un jeune converti à Bowie qui me fait découvrir, entre autres, Nine Inch Nails.

          Patrick est un ami de longue date. Nous sommes en classe ensemble à une époque. Lui, écrit Iron Maiden sur sa table d'école, moi, c'est David Bowie. Patrick est fan de Morrissey, première partie supposée de Bowie à Lyon, c'est donc une pierre deux coups pour lui. Je ne connais pas Morrissey plus que ça à ce moment et je n'aime pas particulièrement The Smiths.

Manque de chance, il y a apparemment une embrouille et Morrissey n'est pas là ! Un groupe que je ne connais pas le remplace, Placebo. Leur prestation n'est pas très bonne : le son n'est pas terrible (comme souvent pour les première partie, c'est vrai) et le groupe n'est pas en place. Je ne trouve ça pas bon du tout. Je révise mon jugement quelques temps plus tard quand je mets la main sur leur premier album.

Le concert de Bowie à Lyon est excellent. J'aime tout spécialement cette tournée et l'album qui la génère, 1.Outside (1995). Reeves Gabrels, le "tronçonneur des lilas" est énorme ! Carlos Alomar est encore là. La setlist est passionnante.


          Le soir, on passe la nuit à l'hôtel. Le lendemain, on décide de faire un tour du côté du quartier de Fourvière. Il fait un froid de canard, nous sommes en février. Mathieu insiste pour visiter un musée qui expose des miniatures et maquettes pour le théâtre et le cinéma. Le lieu est pour l'instant fermé, nous promettons à Mathieu d'y revenir un peu plus tard. On passe devant un hôtel grand luxe. Le quartier est calme, le coin discret. On plaisante sur le fait que Bowie réside, peut-être, là. Après avoir fait un tour, on revient dans la rue du musée. Enthousiaste, Mathieu est parti devant, à l'entrée de l'endroit. Il nous attend. 

Pendant ce temps-là, je discute avec Patrick quand je lui fais remarquer un groupe de personnes qui marche devant nous. Une femme et deux hommes. Je dis à Patrick de regarder tout spécialement le gars du milieu qui se la joue Bowie mais vu de dos. On rigole, on imagine bien le mec dans les premiers rangs hier soir. Quand on se rapproche, on constate que le gars, c'est David Bowie en personne, enveloppé dans un grand manteau noir qui descend jusqu'au talon de ses grosses chaussures noires. Patrick et moi nous avertissons Raffi et sa mère. Un peu d'effervescence incontrôlée, un moment d'égarement passager. Le garde du corps se retourne, nous fait un signe. Une demande d'apaisement, bienveillante. On retrouve vite nos esprits.


Arrivés à l'entrée du musée, nous avons une petite prise de bec avec Corinne "Coco" Schwab, secrétaire particulière bien connue des fans de Bowie, qui sort les griffes et montre les dents : elle est persuadée qu'on les suit. Mathieu intervient en lui expliquant qu'on a l'intention de visiter aussi, qu'il nous attend en éclaireur depuis un petit moment. Le garde du corps confirme notre bonne foi. Coco Schwab nous explique que c'est le seul jour de détente de David entre deux concerts (il joue à Genève le lendemain).Je lui promet au nom de tous que personne ne va importuner son protégé  Ainsi, je me retrouve quelques minutes plus tard dans une situation improbable deux jours plus tôt. Bowie et moi, nous nous retrouvons plusieurs fois côte à côte à regarder les vitrines de l'endroit. Il faut préciser que nous sommes les seules personnes à visiter le musée, moi et "ma bande", lui avec son staff réduit.

          Lorsqu'on nous rentrons à notre hôtel, prêt à quitter la ville, un sentiment de vide m'envahit. Une sensation d'avoir vécu un accomplissement s'impose à moi. Imaginez un instant : avoir vu en chair et en os l'objet de votre désir qui accapare votre esprit depuis des années, votre raison de vivre depuis des lustres. Franchissant un des ponts de Lyon, je regarde l'eau. Je laisse les autres marcher loin devant. Je pèse le pour et le contre pendant ce qui me semble être de longues minutes. Je me raisonne. Je n'ai pas vraiment peur. Je me dis que j'ai encore plein de disques à écouter.


Du coup, des concerts, on en voit d'autres. Avec Raffi, bien sûr, et parfois en compagnie de sa mère et de Laurent, un autre fan.


 













          J'apporte avec modestie ma pierre à l'édifice de la communauté des fans puisque j'enregistre plusieurs fois Bowie en live. Je "capte" le concert du 14 juillet à Nîmes avec un mini-disc. Le lendemain matin, je me lève tôt. Avant d'aller travailler au magasin de disques, je reporte sur un cd la première heure du concert. Sans demander l'autorisation, je passe le disque dans le magasin. A l'écoute, certaines personnes viennent demander aux autres vendeurs et à moi : "mais on dirait que c'est le concert de Bowie d'hier soir, comment c'est possible ?". Tout fier, j'explique…

pochette pour Nimes 2002.

          Certains de mes enregistrement sont référencés sur des sites de fans et disponibles sur internet.Les démos et les titres inédits, j'en suis aussi très friands. D'ailleurs, j'ai orienté ma collection dans ce sens depuis plusieurs années. Plutôt que de posséder des dizaines et des dizaines de 45 tours et de 33 tours de pays différents, je suis à la recherche de l'enregistrement rare et inédit. 

          Avec l'explosion d'internet et l'éclosion de communautés de fans généreux, beaucoup de choses sont disponibles gratuitement. La plupart des gens ne peuvent plus, ne peuvent pas le concevoir autrement. Néanmoins, pour moi, obtenir un document pirate (concerts ou inédits), il faut sortir l'argent sinon : rien ! Habitué à ce schéma de pensée, je peux débourser jusqu'à 50 euros pour un bootleg de bonne qualité, ce qui pour moi est la limite du raisonnable. 

          C'est sans compter sur un coup de folie. Le seul et unique coup de folie jusqu'à présent.

          A l'instant, je gagne assez bien ma vie. J'ai un nouveau boulot. Je travaille dans un bar, je suis bien payé et je me fais de bons pourboires. Je les mets de côté pour me payer un voyage en Inde. J'ai découvert le pays il n'y a pas longtemps. J'ai une révélation et je compte y retourner.

Sur internet, un gars met en vente une cassette audio qui contient deux inédits de Bowie : Everything Is You et Social Kind Of Girl (connue aussi sous le nom de Social Girl). Il en veut 800 euros : c'est beaucoup d'argent ! Ces titres ne circulent que dans le cercle très fermé (inner circle) d'un nombre restreint de fans. Très, très dur d'y entrer, je ne cherche à le faire. Je suis encore dans le moule. Je me dis que je peux acquérir la cassette, mettre les morceaux sur cd-r, faire une belle pochette puis en vendre quelques copies pour me permettre de me rembourser, au pire. Grave erreur. J'achète la cassette 800 euros. Je vends une copie cd-r environ 200 euros. La cassette me coûte ainsi 600 euros !


          Bilan de l'opération : pour commencer, ça me sert de leçon de vouloir faire le "businessman en culottes courtes". Ensuite, je rentre dans une "profonde" méditation. Ainsi, je me rallie à l'état d'esprit de générosité et de partage développé par certains internautes. Pour finir, je balance les deux morceaux sur internet. Désormais, ils sont accessibles au plus grand nombre en incluant le visuel créé pour l'occasion. Parfois, ces chansons circulent en fichier accompagnées de la pochette. Sur Youtube, un gars (flatop47) poste les "vidéos" de Social Kind Of Girl et Everything Is You. Il y a des photos qui défilent pendant le déroulement de chaque chanson. A un moment donné, on aperçoit ma conception de couverture (une photo noir et blanc de Bowie, stylo en main, sur fond vert) et l'image du cd (un label trafiqué d'un acétate Emidisc). Une nouvelle pierre anonyme  à l'édifice !

 
photo : Ray Stevenson.

 














           Je m'intéresse au dessin comme je l'ai dit. Je signe mes dessins du nom de David Sarandon (David pour Bowie, Sarandon pour Suzanne). Une passion en dents de scie avec des périodes de création laissant place à de longs moments d'improductivité. En revanche, il y a toujours un coin de mon cerveau qui emmagasine des tonnes d'informations susceptibles d'être réutilisées plus tard. Mon imagination peut s'emballer sur un mot dans une conversation, la strophe d'une chanson, un cadrage de photo ou de film, ainsi de suite. Après le "big bang" originel, un univers commence à prendre forme. Si les conditions sont bonnes, la vie émerge, le plus souvent dans le cadre d'une illustration.

          Je pioche souvent dans le travail de Bowie dans le cadre d'une production, en partie référentielle, comme les bandes du Major Tom que je dessine de 1987 à 1993 pour la plupart.


          Les histoires sont drôles si on apprécie l'humour noir et/ou décalé au centième degré. J'y glisse des clins d'oeil à ma vie personnelle, aux artistes que j'apprécie dont Bowie. Certains titres reprennent directement ceux de chansons  : Héros ("Heroes"), Parmi les hommes fous (All The Madmen), Le temps (Time), etc… Parfois, des cases reprennent des images tirées de clips vidéos.

extraits du Major Tom et de Joe le Lion.



pressage original U.S.A. (1970)
          

Parfois, je fais miens certains des thèmes de Bowie comme la folie, l'incommunicabilité, l'enfance. Notamment, dans plusieurs bandes où les personnages, atteints de troubles mentaux, se retrouvent enfermés, pour leur bien, dans un institut psychiatrique. Ce lieu, je l'appelle Coldgrey.






Cane Hill Asylum où séjourne Terry,
le frère de David.

case in Le Tesson



 Je m'inspire directement d'une chanson qui s'intitule All The Madmen dont les trois premières lignes sont : Day after day / They send my friends away / To mansions cold and grey.






          On retrouve ce travail sous "influence Bowie" dans des illustrations diverses, non sans y glisser ma touche toute personnelle.

inpirée par Telling Lies (1996).
inspirée par The Supermen (1970).




inspirée par Sense Of Doubt (1977).
inspirée par Blackstar (2016)




          Il y a peu, un nouvel album de Bowie sort le jour de son anniversaire. Le titre : Blackstar (2016).
 


           Depuis quelques temps, la nouvelle vidéo au titre éponyme est disponible en guise de single. Elle contient des références à la mort à la fois dans les paroles de la chanson ainsi que dans les images du clip. Les fans ne peuvent pas manquer de remarquer la dépouille lunaire du Major Tom. David, lui-même, apparaît très physiquement marqué, comme après une grave maladie. Une autre vidéo, Lazarus, circule depuis la sortie du nouvel lp mais je ne la connais pas à ce moment-là.



I'm a Blackstar.


           Le dimanche 10 janvier, je sors du boulot (premier dimanche des soldes oblige !). Je travaille dans un magasin de vêtements. Il est vers les 19 heures. Je suis dans le bus. J'écoute Blackstar. Je laisse vagabonder mon imagination. Je commence à réfléchir à la nécrologie de Bowie. Je me laisse entraîner un moment par cette morbide mélancolie. Puis, je finis par me ressaisir. Je me dis que je suis fou de penser à des trucs pareils ! La fatigue, peut-être ? 

           Le lendemain. Je me lève. Un coup d'oeil sur mon portable avant le petit déjeuner. Deux textos, le début d'une longue série. Messages brutaux, sans équivoque dans leur factuelle froideur : David Bowie est décédé !!!

          Une lame dure et glaciale me transperce le coeur. Elle entre, sort et rentre des milliards de fois. Je m'accroche à un ultime espoir comme un naufragé à une bouée de sauvetage : internet. Tip-taps frénétiques sur le mini écran tactile. Implacable confirmation. L'émotion me submerge, les larmes coules à flot. Une dernière goulée d'air, l'apnée : ma vie de fan défile devant mes yeux : "la première découverte d'un album de Bowie se fait chez David..."

       
DAVID BOWIE (1947/2016/?).


Hommage dédié à la famille et aux amis de David,
à tous les fans.



Site officiel de l'artiste : http://www.davidbowie.com/
 
Artwork Blackstar et "Oeil" par Barnbrook :  http://www.bowieblackstar.net/

Site pour fan, informatif : http://www.teenagewildlife.com/

Sites pour fan, collection de vinyles : http://bowie-collection.de/ & http://www.bowie-singles.com/

Site pour fan, partage gratuit de bootlegs : http://www.bowiestation.com/TT2/

et d'autres à découvrir par vous-mêmes.

SPECIAL THANKS : Ju et Nickx : http://www.desoreillesdansbabylone.com/
 

Nickx, chez Raffi et Damien, milieu 90.